Addict à “Fortnite”, il percute volontairement une moto puis roue de coups le pilote

Anatomie d’un drame annoncé. Romain N., 24 ans, joue au jeux vidéos depuis qu’il a 5 ans. Depuis un an, il ne fait plus rien à part jouer. Plus d’interactions sociales ni familiales, seul jouer est un besoin vital. Le 4 octobre dernier, il est en voiture et se fait dépasser par une moto. En une fraction de seconde, le virtuel prend le dessus sur la réalité.

Il est rare d’assister à une telle audience. Le tribunal judiciaire de Saint-Denis voit certes passer des mis en cause addicts aux stupéfiants ou à l’alcool, mais rarement aux jeux vidéos. Ce vendredi, Romain N. 24 ans, est jugé dans le cadre de la comparution immédiate pour des faits de violence avec armes ainsi que dégradation ou destruction d’un bien. De prime abord, il s’agit d’un accident de la circulation, or, la raison et le contexte font froid dans le dos. Mardi dernier, Romain N. roule sur le boulevard Sud. Une moto le dépasse et se rabat devant lui. Le bruit du deux roues le perturbe, le déstabilise. Il fonce sur la moto, la percute et traine le motard sur 50m, selon la victime qui est accrochée au capot, coincée entre la voiture et la moto. Le conducteur s’arrête et se rue sur le pilote puis le roue de coups. Il va jusqu’à lui enlever son casque pour atteindre le visage. C’est l’intervention de témoins qui met fin à l’agression. La police arrive, et apprenant le contexte, place le conducteur en garde à vue.  “Je vois dans son regard qu’il veut s’en prendre à moi” Le pilote, qui essayait tranquillement une moto dans le but de l’acheter, est légèrement blessé mais extrêmement choqué. Il reçoit une ITT de 5 jours. “Je vois dans son regard qu’il veut s’en prendre à moi quand il sort de sa voiture”, témoigne la victime lors de son audition mais non présente à l’audience. À la barre, le prévenu reconnait les faits mais tempère l’action d’avoir trainé le motard. Il dit ne pas s’en souvenir, que cela peut être vrai : “Tout est vrai. Le bruit de la moto m’a déstabilisé, il fallait que ça s’arrête”. Par ailleurs, sa mère indiquera aux enquêteurs qu’il vit replié sur lui-même, qu’il est agressif et qu’il s’énerve même quand elle lui amène à manger, quand il daigne manger. Qu’il est en échec scolaire.  Il est placé en détention dans l’attente de l’audience et va faire l’objet d’une expertise psychiatrique à la demande de la défense. Le spécialiste note une crise agressive de type dissociation, probablement due aux jeux vidéos, tout en restant mesuré sur le fond concernant l’agressivité. Il conclut que le prévenu est atteint d’une altération du discernement au moment des faits. Interrogé, le prévenu confirme son addiction à la présidente : “C’est ma passion et c’est devenu une addiction. Je joue depuis que j’ai 5 ans mais depuis un an, je ne sors plus, je ne fais plus rien, je joue”. Interrogé, il indique jouer à “Fortnite” entre autres jeux.   “Vous vous rendez compte que vous auriez pu le tuer ?” Présente à l’audience, la mère de Romain N. est en pleurs. Une assesseure le remarque et interpelle le prévenu : “Vous êtes majeur depuis 6 ans, et vous ne faites rien. Vous avez vu le visage de votre mère derrière vous ? Ça fait 6 ans que votre famille n’arrête pas de vous dire que vous avez perdu le contact avec la réalité. Vous en pensez quoi aujourd’hui ? Vous vous rendez compte que vous auriez pu le tuer ?”. Romain N. reste prostré à la barre, balbutiant du bout des lèvres : “Oui .. j’ai pris conscience de mon addiction en prison quand le psychiatre est venu m’interroger. J’ai compris que j’ai un problème”.  “C’est une affaire inhabituelle, on ne voit pas souvent cette addiction”, indique la procureure avant d’enchérir : “Il est obnubilé par les jeux vidéos et occulte complètement le reste. Ce sont des faits extrêmement graves. Il percute volontairement le motard et le traine sur 50 mètres alors qu’il est coincé entre la moto et la voiture. Il sort et lui porte de nombreux coups tout en essayant de lui retirer son casque, ce qu’il finit par réussir à faire. Cet excès de colère mérite des explications que nous n’avons pas aujourd’hui. Je vous demande une peine de 2 ans de prison assortis d’un sursis probatoire avec obligation de soins. Je ne demande pas de partie ferme ou de détention car j’estime au contraire qu’il doit être dehors et sortir pour renouer des liens sociaux. Je vous demande également la suspension de son permis pour une durée d’une année”.   “C’est en effet un dossier ou la fiction rejoint la réalité” “C’est en effet un dossier ou la fiction rejoint la réalité”, répond la défense du prévenu. “Cette addiction est très connue et répandue aux États-Unis. Il a pris conscience des choses en garde à vue et en détention. Il sait qu’il doit se soigner. Il reconnait les faits sans pouvoir les expliquer. Je rejoins le parquet, la prison ne ferait qu’aggraver son état. Il a besoin de réapprendre à vivre et de se soigner, il a compris les choses”, plaide la robe noire. Le tribunal condamnera Romain N. a à la peine de 2 ans de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire renforcé. Il a obligation de soins, de travail et son permis est suspendu pendant 1 an. 

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