“Je ne mets pas de préservatif car je veux que quelqu’un ait le Sida comme moi”

“Je n’ai jamais voulu lui transmettre” sont les premiers mots d’Eric M. à l’ouverture de son procès aux assises pour administration d’une substance nuisible avec préméditation ou guet-apens suivi de mutilation ou d’infirmité permanente. En clair, il lui est reproché d’avoir contaminé sa petite amie par le VIH en connaissance de cause et de l’avoir fait sciemment.

Pour des raisons évidentes de protection de la victime compte tenu de la particularité des faits, il ne sera pas fait mention de son identité, ni d’un quelconque moyen qui permettrait de l’identifier. La victime a d’ailleurs souhaité un huis clos que la présidente a refusé car le cadre légal ne le permettait pas.  Déjà, il ne s’était pas protégé alors qu’il savait qu’il était contaminé Les faits datent de 2002 lorsque l’accusé rencontre la victime. Ils ont une relation de quelques semaines et il repart pour la métropole aux alentours du mois d’octobre. Début 2003, alors qu’elle ne se sent pas au mieux, des examens médicaux lui sont prescrits et le couperet tombe : elle est porteuse du VIH.

C’était la deuxième fois qu’elle avait une relation avec lui. La première fois, en 1994, il n’y avait eu qu’un rapport. Déjà, il ne s’était pas protégé alors qu’il savait qu’il était contaminé. Elle n’aura rien cette fois-là. L’accusé apprend sa contamination en 1993 alors qu’il effectue ses classes au service militaire. Il y reste quelques jours puis il est réformé pour raison médicale. Il apprend par le médecin militaire qu’il est atteint du VIH.  “Je lui ai demandé s’il avait un préservatif mais il m’a répondu qu’il était allergique et qu’il n’était pas malade, que je n’avais rien à craindre”, explique la victime à la cour ce jeudi matin concernant leur premier rapport en 2002. Ensuite, un long chemin de croix débute pour elle. Malgré tout, elle reste bienveillante à son égard et se demande s’il sait qu’il est contaminé. En 2006, elle fait des recherches pour le retrouver et tombe sur des articles en rapport avec le viol dont il est accusé puis condamné en 2009 à 12 ans de prison. Elle explique à la cour le calvaire qu’elle vit Elle y trouve les passages où l’accusé explique sa soif de vengeance. Elle décide de déposer plainte seule puis ensuite, contacte l’avocate qui a défendu sa victime de viol. Une procédure se met en place. Eric M. sera mis en examen et renvoyé devant la cour d’assises en novembre 2021. Reporté dans un premier temps, le procès s’est ouvert ce jeudi 12 mai 2022. Elle explique à la cour le calvaire qu’elle vit depuis, tant dans sa vie sentimentale que dans son quotidien.  L’experte médico-légal confirme qu’il ne fait aucun doute que la transmission est du fait de l’accusé. Le séquençage est identique à 99%. D’ailleurs, la victime est claire : ses deux relations avant et après Eric M. sont négatives, ça ne peut venir que de lui. “Je ne peux pas dater, mais elle a été contaminée avant 2003”, indique l’experte. Le professeur en charge de la comparaison des deux souches est également unanime : “il est hautement probable à 99% qu’il y en a un qui a contaminé l’autre”. “Il m’a dit qu’il voulait se venger d’une fille qui l’a contaminé” Les témoignages des ex-petites amies de la victime mettent en exergue les mêmes éléments : l’accusé ne leur avait pas dit qu’il était contaminé et pire encore, il ne voulait pas mettre de préservatif. La plupart du temps, elle apprenaient “ça” par sa famille. Un témoignage s’est pour autant démarqué ce jeudi matin : la jeune femme qui a été la victime de viol de l’accusé. Elle était mineure au moment des faits et cette fois encore, il ne s’était pas protégé. “J’ai été violée par le frère d’une copine. Il a dit qu’il voulait se venger d’une fille qui l’a contaminé et le transmettre à toutes les filles”, explique-t-elle avec courage à la barre. Les même propos qu’il avait tenus en garde à vue après le viol.  L’accusé a pu s’exprimer en début d’après-midi, interrogé par la présidente. Il en ressort qu’il a eu de multiples relations et qu’il ne se protégeait pas à moins d’y être forcé. Selon lui, il savait qu’il était porteur mais il ignorait qu’il pouvait le transmettre, en atteste sa compagne avec qui il était lors de la contamination de la victime mais qui a eu beaucoup plus de chance de rester négative. “Vous savez comment ça se transmet car vous dites que vous l’avez attrapé par une femme”, tance la présidente. Le drame, c’est que la mère de ses enfants est décédée en 2001, du SIDA, c’est lui qui l’a contaminée. “Je ne mets pas de préservatif car je veux que quelqu’un ait le Sida comme moi”                 “J’ai la haine, sa mort a encore plus accentué ma rage. J’ai encore plus envie de vengeance. Je ne mets pas de préservatif car je veux que quelqu’un ait le Sida comme moi. C’est une femme qui me l’a filé, c’est pour ça que c’est une femme à qui je dois le donner”, tels sont les propos tenus par l’accusé lors de l’instruction du premier procès que l’avocate de la partie civile lui rappelle froidement ce jeudi. L’avocate d’Eric M. va ensuite axer ses questions sur les regrets exprimés par son client mais surtout sur l’absence d’intentionnalité. Elle met en exergue le fait que si son client se savait contaminé, à aucun moment il n’y avait d’intentionnalité : “je regrette ce que j’ai fait, surtout à la victime, car si je lui ai transmis, je ne voulais pas le faire sciemment”, explique son client.  Une seule chose à faire : “se protéger pour protéger les autres” Il apparait clairement, après cette première journée de procès, que ce sont ses propos tenus en garde à vue pour viol qui l’on conduit une deuxième fois devant la cour d’assises. Il est clair que l’accusé en voulait à toutes les jeunes femmes car il n’avait jamais accepté que ce soit tombé sur lui. La présidente lui expliquera qu’elle comprend qu’il ai eu un mal-être, que sa vie avait dû être un calvaire et qu’il se soit senti rejeté au moment où il a apprit sa séropositivité. Elle insistera pour lui faire dire tout au long des débats qu’il n’avait qu’une seule chose à faire : “se protéger pour protéger les autres”.  Tout l’enjeu de ce procès s’articule autour de la préméditation de la transmission du VIH par l’accusé à la victime. La transmission ne faisant aucun doute, la peine prononcée dans la journée de vendredi par la cour d’assises va dépendre de cette notion de préméditation. Eric M., qui est arrivé libre au tribunal sous contrôle judiciaire, pourrait repartir demain une nouvelle fois en détention. Alors qu’il avait écopé de 12 ans de réclusion pour viol en 2009, il risque cette fois une peine de 15 ans de réclusion criminelle. 

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