“Notre santé, ils s’en foutent, à Sainte-Clotilde”

COUP DE GUEULE

Notre santé, ils s’en foutent, à Sainte-Clotilde Il en a rien à cirer, le Jupiter : pour sa santé, il a sa cougar pour la turlutte et les résidences officielles où se réfugier pour pas qu’on l’emmerde en cas de Covid. Alors, notre santé, vous pensez s’il s’en tape sa chevaquine ! Dédale, souk, bordel, m’en-foutisme, usine à fric, usine à merde : la clinique de Sainte-Clotilde Je vous ai narré la semaine dernière mes mésaventures cardio-pulmonaires au CHU ; pour dire tout le bien que je pensais d’un personnel soignant d’un admirable dévouement malgré des conditions matérielles honteuses. Ce coup-ci, convoqué à la clinique de Sainte-Clotilde pour consultation cardiaque, je me disais que dans une clinique privée, soucieuse de sa réputation, ça devait être le top. Tiens, ramasse la savonnette, connard ! Tu es considéré là-dedans comme le dernier des babiroussas (un autre cochon de payant). Je ne sais ce que vont en penser mon toubib traitant ni le service cardio de Bellepierre. C’est ce dernier qui a organisé le rendez-vous. Rendez-vous confirmé par un texto de la clinique privée et que je conserve mieux qu’une sardine à l’huile, vous pensez bien.  Pour être bien sûr de ne rien rater, je me fis déposer devant l’entrée à 10h45, soit 45 minutes d’avance.. On ne sait jamais, si une place se libérait ? Plus naïf tu déquilles. C’est comme le surbooking sur Air Austral : tant pis pour les crétins ! Nous étions environ 375.899 à avoir été convoqués à la même heure. Le texto clinical me précisait bien de venir à 11h30 et de m’adresser au guichet numéro 1 « à gauche en entrant ». Manque de bol, il est à droite. Sage comme une fausse icône, je prends mon ticket. Quand vient mon numéro, je m’assieds face à une « accueillante » qui constate que mon nom n’existe même pas dans ses registres. Première fois qu’on me la fait, celle-là. Première aussi d’une des nombreuses déconvenues à venir. Impatient mais patient, je débite mes nom, prénom, date de naissance, adresse, étage, numéro de téléphone… « Ah oui, je vois. Vous allez rire : vous étiez inscrit en pathologie nerveuse » Bref, chez les tordus. Ben non, je rigole pas, madame. J’ai beau cultiver le Devos, je n’aime guère les rutabagas pourris. « Vous allez vous lever, prendre sur la gauche, virer à droite, aller jusqu’au fond du couloir et prendre l’ascenseur pour aller au niveau -1. Vous me suivez ? » « Comme une ombre », me retins-je à temps de lui répondre (Talon ne serait pas content). « Puis, au niveau -1, vous prenez à gauche et là, vous avez l’ascenseur, et vous tomberez sur le service cardio. On s’est compris ? » J’ai rien compris du tout mais, bonne mémoire, j’ai retenu les « droite-gauche-à vos rangs fixe-moins 1-moins 15-etc ». A gauche après m’être levé ; ouais, ça baigne, puis à droite. De toute façon, y’a pas aut’ chose. Et 200 mètres de couloir. Elle avait dit « à gauche »? Le drame, c’est qu’y a aucune signalétique, dans ce foutoir. Je pense vite à mon pote Jean-Pierre Boyer, devenu chef du service signalétique aux hôpitaux AP-HP, un poste stratégique s’il en est.. Serait heureux à ma place, en ce moment. La signalétique, ça coûte cher : on est là pour gagner du fric, scrognegneu ; pas pour jouer au flic, par saint Paracelse ! Ascenseur jusqu’à -1. Mi butte su courant d’air dans in couloir en ciment avec in tacon d’portes i amène déor ! Je dois afficher un désarroi parfait, sinon l’air d’être un vrai con, car une gentille dame en blouse blanche me demande si je suis perdu. « Ben oui, on m’a expédié ici, soi-disant en cardiologie et, à moins que la cardio se consulte en plein blizzard, je ne vois pas trop… » Elle réprime un fou-rire et me dis : « Oui, c’est bien ici. Tenez ! (je m’accroche à une rambarde glaciale sortant sans doute d’un congélateur) Vous allez suivre ce couloir (drôle de vocabulaire pour désigner une coursive éolienne), descendre le petit escalier au bout, revenir sur vos pas et entrer dans cette pièce là-bas. C’est bon ? » Ben si vous le dites… Je refais, clopin-clopant, les 100 mètres prescrits, manque m’affaler dans l’escalier et re-belote de 100 mètres vers la porte idoine et soi-disant adéquate. Rien ! Rien sinon des portes plus sombres que la tronche à Poutine. Une blouse blanche me recommande de ne pas m’affoler, soi-disant que je suis au bon endroit mais que ce n’est pas indiqué. Ah ! Un doigt vigoureusement pointé vers une large porte sans rien dessus : c’est là, paraît-il. J’entre… Une bonne vingtaine de personnes attendent dans ce qui semble être une salle d’attente, plus tristes que des harengs dans leur saur.  La porte frappée « secrétariat » n’est guère souriante mais je me hasarde à y toctoquer ; j’entrebâille la lourde et hasarde un oeil circonspect, des fois qu’il y ait un Wagner enkalchnikové derrière… C’est pire ! Un visage moins aimable que Mitterrand quand il s’apprêtait à mentir, c’est-à-dire tout le temps. « V’voulez quoi ? » Enfin, je crois que c’est ce que j’ai compris. « Euh… je m’excuse, je m’appelle Bénard et… » « Ça ne fait rien, gardons le moral », aurait-elle pu me répondre à l’instar du toubib de Talon. Revêche, elle m’a juste dit « Asseyez-vous dans la salle, on vous appelle tout-de-suite ! » Prends ça po toué. Son « tout-de-suite » s’est traduit par « file toujours mi viens ». Car je ne l’ai plus jamais revue, cette figure de Soutine. Ils étaient plus d’une vingtaine dans la salle ; dont les presque quatre-quarts pianotaient sur leur téléphone. Il y avait une vieille gémissant toute seule sur sa civière, qui n’intéressait manifestement personne. Vous me connaissez… Je me suis levé malgré mes hanches grinçantes et suis allé vers cette vieille. « Mi veux voir mes ti z’enfants… Mi veux voir mes ti z’enfants… ! » Elle était là, seule sur sa civière, dans cette salle d’attente glaciale. Je remontai sa couverte sur son corps décharné ; elle me jeta un regard chavirant d’humanité… « Vous sé qui ? » Je ne sus quoi lui répondre et me contentai de serrer la main de cette vieille n’intéressant personne dans cette salle d’attente glaciale. Une main sèche, décharnée, incapable sans doute d’exprimer le moindre sentiment, mais où je puisais une chaleur humaine invraisemblable. Après m’avoir mille fois demandé « Ou sé qui, ou, monsieur ? », elle me piégea dans son regard, deux grands yeux bleus larmoyants, et je ne pus plus m’en séparer jusqu’à ce que ses ambulancières vinssent la récupérer. Je souhaite que tu conserves l’échange de nos regards, la Vieille. Moi, je ne risque pas d’oublier ça. Face à moi, dans leur fauteuil, deux vieux (oui, je sais, je suis un vioque moi aussi) me regardaient avec de la compassion dans les yeux. Jusqu’à ce que cette dame me dise : « Hein ! Monsieur, la pas besoin ou énerve. Y fé deux heures nous lé là et mon vieux (elle eut un geste du pouce envers son bonhomme) na maladie dan’ son coeur ». Une demi-heure après, je toquai de nouveau au secrétariat. « C’est chez ma collègue ! » Un pittbull n’aurait pas mieux aboyé. Je bifurquai chez collègue. « Tiens ! Vous n’êtes pas… » J’connaissais. Nom, prénom, date de naissance, adresse, numéro de tel et toute cette sorte de choses… Apparemment, le service d’accueil ne leur avait pas dit que j’arrivais. « Asseyez-vous ! On vous appelle ». On m’a piqué ma carte CMU mais refusé la Premium de Bobby : « On ne prend pas les cartes ». Na ! Autrement dit, « Démerdez-vous pour vous faire rembourser ! » Ben, tu comprends, pauv’ connard, s’il faut, en plus, payer un employé pour jongler avec les mutuelles… Bref, je retournai dans la salle d’attente qui ressemblait plis à un corridor de la mort. On appelait parfois un patient… Entre-temps, toubibs et infirmières se pinçaient les fesses, rigolaient, s’en racontaient de bien bonnes, du style : « Le vieux con que je viens de rembarrer, il croit qu’il va fêter son anniversaire de mariage… » Merci pour lui, toubib de mes couilles ! Je me suis alors dit que c’en était trop ! Convoqué par eux-mêmes à 11h30, je m’étais fait déposer à leurs portes à 10h45. Le reste vous connaissez. Je jure sur ma tête cab que tout ceci est vrai.

www.zinfos974.com