Six semaines après sa prise de fonction, le préfet Jérôme Filippini a déjà fort à faire sur tous les fronts. C’est lors d’un échange avec la presse qu’il a offert sa vision sur chacun des gros dossiers sans oublier de faire la promotion de ce qui marche.
L’île Intense n’échappe pas à sa réputation. De préfet de région sur le continent à préfet d’un territoire insulaire, Jérôme Filippini a déjà un aperçu des dossiers originaux qui incombent au représentant de l’Etat dans un DOM comme La Réunion. Après s’être imprégné des dossiers locaux à travers les remontées d’info de ses services, le nouveau préfet peut désormais afficher sa vision sans déroger à son devoir de réserve. Plusieurs dossiers ont été brossés durant une heure durant laquelle il a décliné sa feuille de route. Jérôme Philippini ouvre tout naturellement cette séquence originale d’échange avec la presse en se félicitant de la reprise de l’impression du Journal de l’Ile, sans toutefois entrer dans les considérations du contentieux en lui-même. D’emblée, l’actualité brûlante des violences perpétrées à l’encontre des forces de l’ordre, des pompiers et des agressions dans un stade ouvre le chapitre “sécurité” auquel il “accorde toute son attention”. Aborder le problème des violences sans stigmatiser “On n’est pas du tout dans une situation dramatique. Elle ne ressemble pas du tout à ce que l’on connaît dans d’autres quartiers ou territoires de la République”, compare-t-il ce phénomène d’imitation des banlieues métropolitaines. “La froideur des chiffres pourrait nous dire : ‘ne nous inquiétons pas’. Mais quand il y a répétition de faits sensibles dans un certain nombre de quartiers, on ne peut pas se voiler le regard, surtout quand ces faits se traduisent par des agressions à l’égard de personnes dépositaires de l’autorité publique.” Il ajoute qu’il n’hésitera pas à interdire une manifestation sportive si les clubs, les fédérations, les organisateurs, ne montrent pas plus de vigilance. “J’ai demandé à ce qu’il y ait plus d’anticipation sur les matchs qui pourraient poser problème. Il n’y a aucune raison pour qu’un match de foot donne lieu à des débordements tels qu’ils ont eu lieu”, réprouve-t-il le comportement de pseudo supporters venus au stade armés. Pour y arriver, il prône un travail à mener “sur les causes superficielles ou profondes qui peuvent provoquer ce type de comportement dans tel ou tel quartier. Je ne cherche aucune excuse aux jeunes qui commettent des actes pareils, il n’empêche que l’on ne peut pas se contenter de la réponse policière ou gendarmique. Ce travail de fond existe déjà à travers les CLSPD* présidés par les maires”. Dans le même temps, l’Etat œuvre déjà à bas bruit au travers des Contrats de ville par exemple. Cependant, Jérôme Filippini refuse naturellement d’entrer dans l’engrenage du “biais ethnique” qui consisterait à désigner la communauté mahoraise dans la survenue de ces faits de violence comme il est dangereux de tenir un discours sur “le dernier arrivé”, ajoute-t-il. En raisonnant par l’absurde, il avoue dans ce cas être dans la même situation puisque cela ne fait que six semaines qu’il est à La Réunion. Les migrants : “Un signal” C’était l’une de ses premières sorties médiatiques, le 17 septembre. Alors que le chemin migratoire entre le Sri Lanka et notre île semble se dessiner un peu plus au fil des années, le préfet a dû logiquement jongler entre humanité et fermeté. Humanité tout d’abord en tant que préfet de zone maritime dans la préservation des vies des personnes embarquées sur ce bateau de pêche repéré au large de Maurice tout d’abord. Fermeté ensuite en tant que “préfet sur terre” dès lors que les conditions pour rester sur le territoire n’étaient plus réunies. Ce qui a été le cas hier avec la décision d’expulsion de sept des 46 migrants sri lankais. “Le signal c’est qu’on applique les lois de la République. Chaque fois que des situations comme celle-là se présenteront et que le juge me donnera raison et me permettra de le faire, j’organiserai des départs de migrants qui sont en situation irrégulière”, expose-t-il sa ligne de conduite. Accès à l’éruption : ne comptez pas sur le préfet pour modifier les règles en vigueur “Il est hors de question de déverrouiller les règles de sécurité”, lance le nouveau préfet qui a rapidement eu droit à une mise en situation réelle. Jérôme Filippini confirme qu’il ne sera pas le préfet qui autorisera le public à accéder aux sites éruptifs dans l’enclos. “Il faut être sérieux”, cadre-t-il sa vision des choses alors qu’il dit entendre cette musique de fond réclamant, à chaque survenue d’éruption, que l’accès à l’enclos soit autorisé. “On ne peut pas prendre de risques pareils. Je ne dérogerai pas à ces règles-là”, affiche-t-il clairement le maintien du statu quo. Il conclut son propos en se projetant sur la réponse qu’il pourra bien donner à des parents ou des proches endeuillés par un drame survenu dans l’enclos si l’interdiction venait à être levée. Bien que “le volcan représente un atout touristique”, reconnaît-il, le rôle de l’Etat se cantonnera à faciliter l’accès des visiteurs, et des bus notamment, aux places de parking. Grippe aviaire : il ne manquait plus que ça Comme si La Réunion n’avait pas assez de sujets préoccupants à traiter, celui de la grippe aviaire vient chatouiller nos élevages jusqu’à déboucher sur des décisions radicales d’abattage massif. Le préfet rappelle que le H5N1 ne se limite pas à la basse-cour et pourrait toucher, si ce n’est déjà fait, les populations d’oiseaux sauvages. À ce titre, il appelle la population à demeurer “vigilante en cas d’observation d’une mortalité anormale”, cela dans le but de “protéger le monde économique et la biodiversité.” Situation économique : ç’aurait pu être pire “Les indicateurs socio-économiques de La Réunion s’améliorent. Ce qui n’est pas du tout une manière de dire qu’il n’y a pas de difficultés”, tempère immédiatement le nouveau préfet qui, sur ce volet de l’économie et de la vie chère, a clairement joué le rôle de VRP de l’action de l’Etat. Normal.
Deux chiffres illustrent selon lui le fait que le tableau n’est pas si sombre que ne le laisse entendre le légendaire discours râleur du Français. Tout d’abord, La Réunion affiche une inflation de 4,6% sur ces 12 derniers mois contre 5,9% en France entière. “4,6 c’est beaucoup par rapport aux années passées mais c’est moins que sur le territoire national”, corrige-t-il son enthousiasme qui pourrait passer pour un trop grand optimisme. Ensuite, “le taux de pauvreté a baissé de 3 à 4% au cours des deux dernières années, le faisant passer à 36%, ce qui est évidemment une situation pas du tout satisfaisante aujourd’hui mais si la photo n’est pas belle, le film est quand même meilleur”, image-t-il sa démonstration. Et puis, “l’investissement économique est au rendez-vous malgré les difficultés et ça ne vient pas de rien. Comme on a tous tendance à courir derrière l’événement, on oublie un peu le passé. Ça vient d’abord des énormes efforts qui ont été faits durant la crise sanitaire. Ici à La Réunion, sous l’autorité de mon prédécesseur Jacques Billant comme partout sur le territoire national, si les entreprises de La Réunion n’ont pas fait faillite, si les salariés n’ont pas été licenciés, si le taux d’emploi s’est amélioré, c’est parce que des moyens considérables ont été mobilisés. Des moyens d’Etat, c’est-à-dire le contribuable national qui a été sollicité pour soutenir l’économie. C’est 1,1 milliard d’euros de Prêt garanti par l’Etat, c’est 300 millions d’euros sur le chômage partiel à La Réunion”, égrène-t-il les montants engagés en faveur du tissu économique réunionnais. L’éloignement ? Une chance sur au moins un aspect Alors que l’Anglais peste contre l’explosion de sa facture d’électricité, le Français peut compter une nouvelle fois sur le bouclier tarifaire ou la loi Pouvoir d’achat votée cet été. “On a la chance à La Réunion de ne pas être exposé à l’évolution du prix du gaz. On est très très loin de ce que peuvent vivre d’autres pays où, vous avez vu, il y a des augmentations de 50, 80% du prix de l’énergie en très peu de temps. Donc chez nous ce n’est pas le cas”, compare Jérôme Filippini qui énumère, là aussi en VRP de l’action de l’Etat, l’ensemble des revalorisations appliquées par différents organismes publics. “Les retraites ont été revalorisées au mois de juillet de +4% après une revalorisation de 1,1% en janvier. Le point d’indice des agents publics est revalorisé d’environ 5% sur l’année, toutes les prestations sociales (RSA, AAH, le minimum vieillesse (ou ASPA)) ont été revalorisées de 4% en juillet après 1,8% au mois d’avril. L’aide exceptionnelle à la rentrée scolaire valorisée de 100 et 50 euros par enfant et je n’oublie pas les étudiants avec le maintien du repas à 1 euro”, continue-t-il à lister toutes les bonnes nouvelles. “On peut ainsi expliquer pourquoi ça ne va pas si mal pour nous grâce à toutes ces mesures. Ça ne veut bien sûr pas dire que tout va bien mais ça veut dire que les mesures mises en oeuvre viennent compenser l’augmentation du taux d l’inflation qui touche les plus défavorisés”, ajoute-t-il Le préfet bloque l’augmentation du BQP voulu par les partenaires économiques Plus spécifique à notre territoire, il annonce avoir tempéré le souhait des acteurs économiques qui appliquent le bouclier qualité prix de voir le prix du panier augmenter. “Il est bien ancré dans les habitudes d’achat de nombreux réunionnais, le prix global du BQP restera inchangé jusqu’à mars prochain au moins”, assure le préfet qui révèle que ses services ont été sollicités par les partenaires économiques souhaitant son augmentation au vu de l’augmentation des coûts pour eux. Le préfet dit ne pas avoir donné suite à leur demande. “Il va falloir que l’on soit très solidaires dans les temps qui viennent et très innovants. Tout le monde subit aujourd’hui une situation exceptionnellement grave mais il n’y a qu’un responsable à ça : c’est M.Poutine. On fait tous des efforts énormes pour corriger l’impact d’une guerre détestable qui menace à la fois la démocratie et la vie de tout le monde sur la planète”, invite-t-il à un effort collectif pour traverser cette crise de l’énergie à laquelle les propres services de l’Etat répondront en appliquant un plan de sobriété.
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